Loi Duplomb : un désastre pour le climat, la biodiversité, la santé publique, la sécurité alimentaire, le bien-être animal, … et notre démocratie

L’Assemblée nationale a adopté, mardi 8 juillet 2025, la proposition de loi « visant à lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », déposée par les sénateurs Laurent Duplomb (LR) et Franck Menonville (UDI). Les députés ont voté, à 316 voix pour et 223 voix contre.

Favorable à un modèle intensif, cette loi vise, entre autres, à :

  • Réintroduire des pesticides néonicotinoïdes, dangereux pour notre santé, interdits en France en 2020 grâce à la loi de Joël Labbé et faciliter l’usage de pesticides avec la réintroduction de certains produits chimiques.
  • Construire des mégabassines : Ces infrastructures seront désormais considérées comme d’intérêt général majeur sous certaines conditions, facilitant ainsi leur développement.
  • Restreindre la consultation du public lors des procédures d’autorisation et augmenter le nombre d’animaux nécessitant une autorisation environnementale des élevages intensifs.
Les marais de Séné (56) – Clim’actions Bretagne

Cette loi favorise de façon indirecte l’aggravation du climat et retarde l’adaptation des territoires au changement climatique, sans améliorer de façon structurelle et pérenne la situation des agriculteurs. Le succès remporté par la pétition citoyenne, les multiples tribunes des scientifiques, médecins, organismes publics, restaurateurs, etc. montrent à quel point les conditions d’approbation de cette loi sont un déni démocratique.

Quatre bonnes raisons de dire non à la Loi Duplomb

Raison 1 – Un danger pour la santé publique et la biodiversité

Cette loi réautorise l’usage de pesticides (l’acétamipride, un néonicotinoïde interdit depuis 2018 et deux pesticides apparentés), supprime l’obligation de séparation entre la vente et le conseil pour les produits, permet aux vendeurs de pesticides de conseiller les acheteurs et supprime l’obligation du certificat d’économie de pesticides lorsque les produits ont été achetés à l’étranger …  

La France est déjà le 2ᵉ plus gros consommateur de pesticides et le second pays qui autorise le plus de pesticides en Europe. Cette loi, qui reprend des demandes portées par la FNSEA, favorise leur utilisation alors même qu’ils présentent des risques avérés pour la santé humaine, sont identifiés comme une cause majeure de l’effondrement de la biodiversité et du déclin des oiseaux, de la pollution des eaux et sols de la qualité de l’air. Pour exemple, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail établissait, dès 2017, les effets de l’acétamipride sur le foie, sur  le développement des fœtus et la fonction des neurones. Les néonicotinoïdes avaient été interdits en 2018, grâce à l’énorme travail de Joël Labbé, Sénateur du Morbihan, car ils sont particulièrement toxiques pour les abeilles et les autres insectes pollinisateurs, pourtant essentiels à l’agriculture.

Par contraste, des alternatives agroécologiques comme l’agriculture biologique ont montré qu’il est possible de produire sans pesticides, en respectant la santé des sols, la qualité de l’air et de l’eau et en se basant sur les équilibres naturels. Pourtant, l’agriculture biologique s’essouffle et les victimes des pesticides se multiplient, qu’ils soient agriculteurs, riverains ou enfants.

Selon l’article L110-1 du Code de l’environnement, l’État français est garant de principes environnementaux comme le principe de solidarité écologique, qui appelle à prendre en compte, dans toute prise de décision publique ayant une incidence notable sur l’environnement des territoires concernés, les interactions des écosystèmes, des êtres vivants et des milieux naturels ou aménagés. Pourtant 1300 chercheurs et soignants issus de l’INSERM, du CNRS ou de l’INRAE ont pris position contre la loi Duplomb. Notamment en raison de son impact sanitaire.

Raison 2 – Favoriser le mal-être animal et les sources de pollutions de l’eau et de l’air

La loi Duplomb facilite l’implantation et l’agrandissement d’élevages de très grandes tailles, notamment ceux considérés comme industriels et donc soumis au régime d’enregistrement et d’autorisation des installations classées (ICPE). L’information et la consultation du public au sujet de ces installations seront notamment limitées. L’agrandissement des élevages débouche sur une concentration accrue des cheptels pour un nombre toujours plus réduit d’exploitations. Cette concentration ne répond pas aux difficultés quotidiennes des éleveurs, bien au contraire. Depuis 15 ans, la réglementation qui encadre l’implantation et l’agrandissement des élevages industriels est assouplie. Avec cette loi, le détricotage s’accélère. Ces mesures, supposées aider les éleveurs, ne vise qu’une infime minorité d’entre eux, mais avec des risques avérés sur les animaux et sur notre santé.

La concentration des élevages aggrave les difficultés de la majorité des éleveurs qui veulent conserver un modèle à taille humaine et compromet la transmission des exploitations, ce qui menace gravement le renouvellement des générations. La stratégie de développement de produits bas de gamme issus d’élevages industriels est vouée à l’échec, notamment en raison de la différence dans le coût de main d’œuvre avec d’autres pays au sein et hors de l’UE. De plus, les productions animales sont largement dépendantes des importations de soja et d’engrais de synthèse et monopolisent une part disproportionnée des terres agricoles pour l’alimentation animale, ce qui vient concurrencer d’autres cultures nécessaires à notre souveraineté alimentaire.

Si elle fait le jeu des industries agroalimentaires et de l’alimentation animale, cette stratégie ne pourra pas, à moyen ou long terme, soutenir l’élevage en France. Celui-ci a besoin de création de valeur et de débouchés pour des produits à plus forte valeur ajoutée. L’enjeu est de valoriser nos filières, plutôt que de niveler notre réglementation vers le bas.

Raison 3 – Un gaspillage de l’eau au détriment des usages essentiels

Au mépris de la connaissance du grand cycle de l’eau et des avertissements des hydrologues, la création de mega-bassines est qualifiée  » d’intérêt général majeur  » dans l’un des articles de la loi Duplomb.

Les méga-bassines (taille de dix terrains de foot sur 10 m de profondeur) permettent de stocker des eaux des nappes phréatiques pompés en hiver pour être utilisée en été. Cette privatisation d’un bien commun de l’humanité au profit d’une minorité d’exploitants agricoles ne résoudra pas le problème des revenus de la très grande majorité des agriculteurs. Concevoir les méga-bassines, c’est déstabiliser le fonctionnement des milieux naturels et refuser d’explorer d’autres formes d’agriculture plus résilientes dans un contexte où plus d’un tiers de la France souffre déjà de pénuries structurelles en eau.

C’est un gaspillage d’une ressource limitée car une partie importante de l’eau stockée s’évaporera avant d’être utilisée.

Raison 4 – Un danger pour notre démocratie

Pour éviter tout débat à l’Assemblée nationale, des députés de droite et d’extrême droite ont choisi de voter une motion de rejet contre leur propre texte afin que celui-ci soit discuté en petit comité. Le passage en commission mixte paritaire (CMP), composée majoritairement d’élues favorable au texte, a permis de ne pas prendre en compte les nombreux amendements déposés par ses opposants. Le vote du 8 juillet 2025 a donc été effectué sans débat préalable.

Le texte de compromis issu des travaux des commissions parlementaires a fait l’objet d’une motion de rejet préalable, déposée par son propre rapporteur, une première sous la Vème République. Cela a permis d’éviter les débats parlementaires et d’aller directement en Commission mixte paritaire. Pourtant, les débats et le travail d’amendements dans l’hémicycle auraient été l’occasion de proposer des solutions pour répondre aux préoccupations des agriculteurs et de trouver les moyens de garantir des revenus dignes.

En réaction, le Conseil constitutionnel a été saisi et doit se prononcer avant le 11 août. En parallèle, une pétition déposée sur le site de l’Assemblée nationale réunit plus de 2 millions de signatures.

Un chemin existe pour tisser des liens entre paysans, agriculteurs et citoyens

Cette loi Duplomb va à l’encontre des directives européennes sur l’eau et les pesticides. Elle expose la France à des sanctions coûteuses, tout en contrevenant à la Charte de l’environnement, qui reconnaît la protection de l’environnement comme un objectif constitutionnel.

Le 16 juillet 2025 à Bruxelles ont été rendus les premiers arbitrages budgétaires de la PAC, c’est donc le moment d’exiger une réorientation des aides publiques qui permettent de soutenir l’agriculture paysanne respectueuse de la santé humaine et de la biodiversité et de sortir du modèle mortifère de l’agriculture industrielle, chimique et productiviste. Il est urgent d’ouvrir la voie à des solutions alternatives, de sortir du tout-pesticide, et de placer la santé, l’environnement et le climat au cœur de notre modèle agricole. Les alternatives existantes ont fait leur preuve : l’agroécologie paysanne et l’agriculture biologique redéfinissent notre rapport au vivant et répondent efficacement aux enjeux de climat et de biodiversité, tout en assurant la souveraineté alimentaire. Il est temps que l’Etat et les parlementaires fassent le choix d’accompagner la transition vers une agriculture respectueuse du vivant et assurant une juste rémunération aux agriculteurs et agricultrices, plutôt que de maintenir artificiellement un modèle industriel déconnecté des territoires et des ressources.

Pour aller plus loin : Découvrez les propositions de Clim’actions et un retour sur la rencontre spectacle par Clim’actions en avril 2024 « Climat, Agriculture, Alimentation, Ecologie : Quelles transitions pour protéger le vivant, les agriculteurs et les consommateurs ? » en présence de Joël Labbé, Fabrice Nicolino et Nicolas Legendre.